Compte-rendu des maraudes de mars 2007

| publié le 15 avril 2007 |

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CR mensuel mars

Les mineurs
Au cours de ce mois de mars, 43 nouveaux mineurs, afghans principalement sont arrivés à Paris dont deux ou trois très jeunes (10 ans). Depuis mi décembre ce sont 250 mineurs qui sont passés par Paris.

Le 2 mars, 54 d’entre eux étaient pris en charge dans les hôtels, par FTDA, et environ 13 à EMDH, une dizaine restant dehors, soit plus de 70 à Paris. Tout au long du mois de mars ils étaient entre 5 et 15 à rester dehors, notamment sous le pont Louis Blanc, surtout après la réduction des places disponibles dans les hôtels. FTDA en effet a dû réduire le nombre de jeunes hébergés, et ils étaient autour de 43 seulement à la fin du mois.

Cette situation est dangereuse et le 2 mars nous avons encore signalé, avec FTDA « mineurs », à la DDASS la présence de personnages douteux, tournant autour de ces jeunes le soir place du colonel Fabien ou même dans la journée dans le parc Villemin, où plusieurs nous ont dit avoir été abordés par des adultes leur proposant des rapports sexuels.

L’accueil de ces mineurs reste insuffisant en quantité et surtout en qualité. Si plus de jeunes sont mis à l’abri, l’information et le suivi dont ils disposent ne sont pas à la hauteur des obligations de l’Etat français. De plus le dispositif de mise à l’abri devrait s’arrêter fin juin au plus tard. Avec les beaux jours les mineurs isolés ne seraient ils donc plus en danger ? Ce manque de moyens, de personnel ne permet pas non plus un suivi correct des jeunes dans les hôtels où à certains moments des tensions importantes ont surgi.

Peu décident de rester et ceux qui ont l’intention de construire leur vie future en France ne sont pas au bout de leurs peines. La quasi-totalité est rejetée par l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance) de Paris sous prétexte qu’une expertise médicale, contestée par la plupart des spécialistes, les a déclarés majeurs. Cette pratique semble d’ailleurs particulièrement prisée de l’ASE de Paris. Certains, partis dans d’autres départements, ont vu leur minorité reconnue. Cette attitude de l’ASE pousse certaines personnes des associations à faire du tri au faciès, avec toutes les incohérences, les aberrations, l’arbitraire que la détermination de l’âge d’un jeune emmitouflé, dans la faible lumière de la place du colonel Fabien entraîne. Ces décisions génèrent par conséquent l’incompréhension et un sentiment d’injustice et de rejet chez les jeunes.

Les jeunes sont donc à la recherche d’autres pays d’accueil, pays où l’avis des éducateurs a plus de poids qu’une expertise pseudo scientifique. Ils repartent donc vers Calais, vers les pays nordiques ou ailleurs, avec tous les dangers que ces voyages comportent. A moins qu’ils ne décident de rester, notamment sous le pont Louis Blanc, en situation de précarité et de « clochardisation ».

Petite remarque enfin sur le « fameux appel d’air » : si tel était le cas, si le « merveilleux » accueil des mineurs en France était connu jusqu’à Kaboul, comment expliquer qu’ils ne soient qu’environ 70 ou 80 cette année à Paris, alors qu’ils étaient plus de 110 en mars dernier ?

Des conditions de vie de plus en plus difficiles pour les exilés...

Avec les problèmes rencontrés à Calais, plus de 200 exilés étaient présents en permanence à Paris durant ce mois de mars. Une partie d’entre eux n’avaient d’autres solutions que de dormir sous les tentes (18 au début du mois, 25 à la fin, dont la majeure partie distribuées par nos soins) ou dans les cabanes (4) installées sous le pont Louis Blanc, faute de place dans les bus atlas (mais pas dans le centre d’hébergement d’urgence « la boulangerie » où chaque soir plusieurs dizaines de lit restaient inoccupés).

L’accès limité aux bus a provoqué des tensions importantes, et plusieurs fois des bagarres ont éclaté. Les plus importantes ont eu lieu entre « albanais » ou « arabes » (selon la terminologie des exilés) et afghans, début mars. A chaque fois les afghans étaient mis en cause tant par le personnel des bus atlas que par celui de la RATP. Pourtant ceux qui maniaient les barres de fer et autres armes improvisées n’étaient pas les afghans. Ces derniers, qui ne sont pas non plus des enfants de chœur, faisaient remarquer à juste titre que vu leur nombre il ne leur aurait pas été difficile de régler le problème. Mais à chaque fois ils ont écouté nos appels au calme, tout en étant exaspérés par le fait que l’on puisse faire monter dans les bus leurs agresseurs, le plus souvent complètement ivres, et que malgré les interventions de la police, ces derniers se retrouvent libres de recommencer

Même réaction étonnante de certaines personnes des bus atlas ou de la Sonacotra (qui gère « La Boulangerie ») à la fin du mois après une agression au couteau qui a conduit 4 afghans à l’hôpital, dont deux sérieusement blessés à l’abdomen.

Comment s’étonner que des personnes qui passent leur journée dehors, parfois dans le froid et sous la pluie, soient énervées et pressées de monter le plus rapidement dans les bus atlas et donc que l’atmosphère soit tendue certains soirs ? Faire la queue sous la pluie pour avoir un peu de soupe, attendre parfois plus de deux heures dans le froid permettrait peut-être aux agents impliqués et aux responsables (au chaud dans leurs bureaux) de comprendre.

Mais c’est ce dispositif, aberrant et humiliant, qu’il faut mettre en cause. Pourquoi un seul bus faisant 4 rotations alors que la RATP pourrait mettre en place un deuxième bus pour transporter plus rapidement les personnes à la rue vers l’endroit où ils peuvent dormir au chaud ? Pourquoi cette longue et fastidieuse prise des noms qui provoque tensions et bousculades ? N’y a-t-il pas des moyens plus humains et moins dégradants à mettre en place ?

De plus tant à « La Boulangerie » que place du colonel Fabien, les exilés se plaignent de vols répétés. Argent et téléphones portables disparaissent (même celui d’un agent du Cœur des Haltes). Parfois même ce sont les vêtements qui sont volés.

... victimes également des escrocs

Plusieurs exilés ont encore été victimes du « pakistanais » qui sévit à l’arrivée des trains d’Italie. A chaque fois cette personne, sous prétexte de les aider, fait payer un simple ticket de métro de 50 à 200 euros.

Autre forme d’exploitation, moins spécifique, pour ceux qui travaillent au noir : ils perçoivent des salaires ridicules qui sont souvent payés seulement en partie.

Et que dire de ce « pakistanais » présent de temps en temps place du colonel Fabien, qui se présente aux exilés comme un commissaire de police enquêtant sur les trafics de drogue et qui leur propose de venir loger chez lui (surtout aux plus jeunes !).

Des pratiques policières remises en cause par les juges des libertés

En mars comme en février la pratique des éloignements forcés de Calais, avec transfert des exilés vers des foyers Sonacotra où ils reçoivent un APRF, souvent sans interprète, se poursuit. La plupart ne comprennent pas la signification de ces documents, certains pensant que cela leur donnait une protection d’un mois en France.

Dans de nombreux cas les exilés sont de nouveau arrêtés à la sortie des foyers et mis en garde à vue ou en rétention. Dans ce dernier cas, de plus en plus de juges des libertés, que ce soit à Lille, à Meaux, ou même à Toulouse où l’on n’hésite pas à transférer les exilés, refusent le maintien en rétention pour vice de procédure, et ceci malgré la circulaire du Ministre de la justice demandant plus de fermeté aux procureurs (voir à la fin du compte rendu).

Et toujours l’errance

Si peu d’expulsions d’exilés afghans, iraniens, kurdes ont eu lieu en France, les réadmissions à partir de ou vers la France, selon la convention de Dublin, sont fréquentes : retours d’Allemagne, d’Angleterre, de Belgique et expulsions vers la Grèce, l’Italie, la Belgique et même la Hongrie.

Un exilé avait demandé l’asile en France. Ses empreintes ont été retrouvées en Allemagne et en Italie. Réadmis dans ce dernier pays (heureusement pour lui que ce n’était pas en Allemagne), il a été de nouveau renvoyé en France ! Incompréhension devant ce système Dublin qui les condamne à errer de pays en pays.

Les exilés, suite aussi aux problèmes des arrestations massives à Calais, ne savent plus très bien où aller pour demander l’asile. Ils nous posent de nombreuses questions sur les possibilités d’asile dans les autres pays, et si possible dans des pays qui ne rechercheraient pas à tout prix à retrouver leurs empreintes, notamment en Grèce. Demandes nombreuses d’informations sur la Belgique, la Suède, la Finlande, la Norvège, sur la Suisse et même sur le Canada, mais toujours autant de déception d’apprendre que ces pays appliquent la convention de Dublin.

Des jeunes qui souhaitent poursuivre leurs études sont aussi à la recherche de pays où ils pourraient être acceptés.

D’autres cherchent leur voie dans la légion étrangère, sans succès.

Une situation anxiogène

Sans parler du groupe présent près du pont Louis Blanc depuis presque un an, nombreux sont les exilés qui sont psychiquement atteint par cette situation. Crises d’angoisse, et parfois dérive vers l’alcool ou la drogue... autant de cas qui relève de la compétence de la nouvelle antenne psycho sociale mise en place par MSF, dont trois personnes sont venues avec nous place du colonel Fabien se rendre compte des conditions de vie des exilés. Sentiment d’impuissance, d’impasse pour ceux qui ont dépensé des milliers d’euros, économisés parfois lors de petits boulots au cours de leur voyage comme ce jeune de 17 ans qui a dû travailler 9 mois comme tailleur en Iran, et qui se retrouvent sans rien à Paris.
Désespoir de cet afghan emprisonné en Grèce et qui a peur d’y être renvoyé. Sa seule porte de sortie d’après lui, inaccessible hélas, est l’ambassade du Canada. « Si cette porte se ferme je n’ai plus qu’à me tuer ».

Mais parfois un court moment de vie normale

Réflexion d’un jeune afghan après la fête de Nowrouz organisée par le Collectif avec la participation de FTDA mineurs et d’autres personnes et qui a permis d’accueillir plus de 200 exilés le 25 mars : « Depuis mon départ de Kaboul il y a presque un an, c’est la première fois que je m’amuse, la première fois que j’ai l’impression de Vivre. »


Circulaire CRIM-AP N°99-1320.C 39 en date du 31 janvier 2007

A Mesdames et Messieurs les Procureurs Généraux près les cours d’appel d’Orléans, Rouen, Amiens, Metz, Reims, Dijon.

Objet : lutte contre l’immigration irrégulière dans le Calaisis

Dans le cadre de la lutte contre l’immigration irrégulière dans le Calaisis, une procédure a été mise au point courant 2006 par le Comité interministériel de contrôle de l’immigration (CICI) afin de limiter la présence d’un trop grand nombre d’étrangers en situation irrégulière dans cette région. Elle consiste à amener, de leur plein gré, les étrangers découverts dans le Pas-de Calais vers différents foyers d’accueil situés dans d’autres départements et ce, afin de leur proposer l’aide au retour ou de leur notifier un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.
La mise en œuvre de ce dispositif est de nature à impliquer les parquets et les juges des libertés et de la détention dans le ressort desquels se trouvent des foyers d’accueil où seront conduits les étrangers en situation irrégulière.
A ce titre, je vous aurais gré de bien vouloir donner des instructions de fermeté aux procureurs de la République de votre ressort concernés tant dans l’exercice des poursuites que dans celui des voies de recours.
En ce qui concerne la réponse pénale, je vous rappelle qu’en vertu de la circulaire CRIM 06 5/E1 21 02 2006 à laquelle vous pourrez utilement cous référer, le recours à des poursuites pour entrée et séjour irréguliers peut être envisagé lorsqu’il est établi que la personne d’origine étrangère a pénétré sur le territoire national après avoir fait l’objet d’une procédure administrative de reconduite à la frontière ou lorsqu’elle possède des antécédents pénaux. Dans ces hypothèses, le recours à la comparution immédiate doit être privilégié et des réquisitions de mandat de dépôt doivent être prises lorsque l’examen de l’affaire est renvoyé à une date ultérieure.
De même, dans les affaires où l’étranger fait obstacle aux procédures administratives et judiciaires, il convient de rappeler aux procureurs de la République de votre ressort que la voie de la comparution immédiate assortie de réquisitions d’emprisonnement ferme ou de placement en détention provisoire soit être privilégiée.
Vous voudrez bien veiller à ce que les procureurs de la République de votre ressort interjettent appel des jugements du tribunal correctionnel en la matière lorsque les décisions rendues paraissent inadaptées au regard des réquisitions du ministère public.
Enfin, en ce qui concerne le contentieux de la rétention administrative, si le parquet, après un examen attentif de l’ensemble des circonstances de l’espèce, est amené à former appel de l’ordonnance de remise en liberté prise par le juge des libertés et de la détention, il importe qu’il s’attache à préserver l’efficacité de la procédure en sollicitant l’application des dispositions de l’article L 552-10 du CESDA relatives à l’effet suspensif de l’appel.
Je vous serais obligé de bien vouloir me tenir informé des suites réservées aux présentes instructions en adressant vos rapports sous le double timbre de la direction des affaires criminelles et des grâces (bureau des politiques pénales générales et de la protection des libertés individuelles) et de la direction des affaires civiles et du sceau (bureu du droit processuel et du droit social).

Marc Guillaume Jean Marie Huet

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