Compte-rendu des maraudes d’avril 2007

| publié le 13 juin 2007 |

L’approche des élections a provoqué des inquiétudes parmi les exilés.
Leur avenir leur est apparu encore plus sombre et fin avril il y a eu de nombreux départs vers Calais pour essayer de passer le plus rapidement possible en Angleterre.
Les mineurs voyaient de plus en plus d’expertises osseuses les déclarant majeurs, les autres voyaient les frontières se fermer encore plus, le statut de réfugié de plus en plus difficile à obtenir, le campement près du canal St Martin détruit et la France ressembler de plus en plus à Calais où les harcèlements policiers sont leur quotidien. Visions prémonitoires ?

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Les exilés afghans victimes de violence

Le 31 mars, quatre exilés afghans ont reçu des coups de couteaux au centre d’hébergement d’urgence de « la Boulangerie ». Deux ont été blessés au visage, un autre au ventre et au bras et un troisième au ventre, par un autre SDF. Deux des blessés ont dû être hospitalisés quatre jours
Durant cette bagarre, qui avait commencé suite à des insultes proférées par des maghrébins à l’encontre des afghans, la sécurité de l’ADOMA (ex SONACOTRA) n’a pas fait preuve d’une grande efficacité selon les témoignages recueillis. Par contre le soir même elle décidait d’interdire l’accès au centre à 14 afghans suspectés d’avoir été impliqués dans la bagarre du matin. Aucun maghrébin n’a été interdit d’accès.
Alors que les afghans attendaient devant la porte du centre d’hébergement, deux voitures banalisées, sans aucune marque d’identification, sont arrivées. En sont descendus huit personnes dont deux en tenue militaire camouflée, sans insignes ni brassard qui se sont dirigés vers le groupe et l’ont aspergé de gaz lacrymogènes, alors que rien ne semblait dans le comportement des exilés justifier une telle agression.
Le Collectif a recueilli les témoignages des afghans et une journaliste du Canard Enchaîné a essayé d’en savoir plus. Il lui a fallu deux semaines avant de réussir à apprendre que cette intervention aurait été faite par la BAC.
Le Collectif a décidé de saisir le Commission Nationale de Déontologie de la Sécurité et à la demande des exilés de déposer une plainte, estimant que :

1) Dans l’affrontement armé du samedi 31 mars 2007 au matin dans le centre d’hébergement « la Boulangerie », il nous paraît que l’ADOMA a manqué à son obligation d’assurer la sécurité des personnes qu’elle accueille. Il est, en premier lieu, anormal que des armes blanches puissent y être accessibles. Par la passivité de certains des personnels chargés du maintien de l’ordre au moment des faits, il a semblé aux Afghans que ces personnels n’étaient pas nécessairement mécontents de les voir en difficulté, ce qui pourrait éventuellement relever d’une attitude discriminatoire ;
2) L’interdiction en soirée opposée à 14 Afghans de pénétrer dans les locaux nous paraît susceptible de confirmer cette hypothèse que nous vous demandons donc de vérifier ;
3) Enfin, l’intervention musclée de la soirée à l’initiative de huit individus en civil véhiculés par deux voitures banalisées s’est avérée être une intervention de Brigade anticriminalité (la BAC) de la police. Nous l’avons appris grâce à l’enquête d’une journaliste - Mme Dominique Simonnot - du Canard Enchaîné. Nous sommes persuadés que la brutalité qui fut alors déployée a été largement disproportionnée au regard de la réalité de la situation. Cette disproportion nous paraît encore une fois susceptible de reposer sur une attitude discriminatoire.

Les mineurs

Les arrivées de mineurs ont été moins importantes en avril.(18, soit 268 depuis mi décembre). Beaucoup de départs et le nombre de jeunes hébergés par FTDA a diminué : plus de 40 au début du mois, moins de 25 à la fin.
Ceux qui ont plus de 16 ans hésitent à rester en France. Déjà la plupart de ceux présentés à l’ASE ont subi une expertise médicale qui les a déclarés majeurs, mais ils ont des doutes sur leurs possibilités de rester en France après 18 ans, surtout dans la perspective d’une victoire de Sarkozy. Sur la totalité de ceux qui sont passés depuis décembre il semblerait que seulement trois ou quatre aient été pris en charge par l’ASE. Beaucoup se demandent s’il ne faut pas qu’ils tentent leur chance ailleurs en France, dans des départements où l’ASE ne cherche pas systématiquement à le rejeter comme à Paris. Ils voudraient également connaître dans quels pays ils trouveront de meilleures conditions d’accueil. La rumeur d’expulsion de Suède vers la Grèce de trois mineurs afghans les a rendus inquiets. Il n’a malheureusement pas été possible d’obtenir de la part d’organisations suédoises des précisions sur les expulsions de mineurs étrangers isolés.

La question des mineurs a fait l’objet d’un reportage de FR3 Ile de France : 2 minutes 16 secondes d’émission le 17 avril. En le regardant il était impossible de comprendre pourquoi ces jeunes viennent en France, quels sont leurs problèmes, leurs difficultés à être pris en charge en France.
Par contre on apprenait que FTDA les prenait sous son aile et leur assurait une protection...un toit, des soins médicaux, des démarches pour obtenir le droit d’asile mais aussi des cours de français ! Mais pourquoi donc veulent-ils partir de Paris alors que tout est fait pour eux ! Bel exemple de désinformation.
Rien n’a été dit sur l’expertise osseuse, sur le déficit d’information sur leurs droits, sur la réduction du suivi socio éducatif (avec le départ des Captifs du dispositif d’accueil des mineurs étrangers isolés fin mars, la capacité de suivi a été réduite de moitié par rapport à l’an dernier).

Durant ce mois deux jeunes sont partis. L’un a quitté un foyer en région parisienne, l’autre d’une famille d’accueil à Calais, pour les mêmes motifs : ils se sentaient enfermés et traités comme des « bébés ». Tous les deux essaient maintenant de partir en Angleterre.

Toujours une Europe hostile
Certains sont revenus de Suisse, où l’un d’entre eux a reçu une amende de 150 euros (tout ce qu’ils ont trouvé sur lui !) avant d’être renvoyé vers la France. D’autres ont échoué dans leur tentative d’aller en Suède et ont été interpellés en Allemagne avant d’être expulsés en France. Des retours d’Angleterre aussi, qui n’empêchent pas la grande majorité de vouloir toujours tenter le passage, malgré la chasse à l’homme menée par la police à Calais. Certains visent le Canada sans grand espoir, d’autres l’Espagne, le Portugal, l’Italie...

Un iranien espérait pouvoir demander l’asile en France après être passé par l’Autriche, la Belgique, les Pays Bas et l’Allemagne, sans compter la Grèce et l’Italie.

Certains, plus nombreux que d’habitude, devant une situation bloquée ont décidé de demander l’asile en France durant ce mois d’avril. Ils ne comprennent pas cependant pourquoi ils sont toujours dehors le soir, devant faire la queue pour prendre le bus Atlas qui les amènera à « la Boulangerie ». Certains futurs demandeurs d’asile envisagent de partir de Paris pour trouver une ville où leurs conditions de vie seront moins humiliantes et pénibles. Quelques-uns espéraient aussi qu’obtenir l’asile serait plus facile en province et ont été déçus d’apprendre qu’il n’y avait qu’un organisme traitant les demandes pour toute la France.

La question des empreintes reste au centre de leurs préoccupations. Difficile de savoir, et donc de leur répondre avec certitude sauf en cas de demande d’asile antérieure, si leurs empreintes seront retrouvées. Un exilé disait un jour que s’il savait où était l’ordinateur, il irait le détruire. Rêve de tous les exilés !

Et des conditions de vie difficile

Si les conditions de vie à Paris sont moins difficiles qu’à Calais, plusieurs ont cependant été arrêtés durant ce mois d’avril sous des prétextes divers : traverser au feu rouge, mettre des cartons sur la chaussée pour préparer la file d’attente des bus atlas ou aller acheter son billet Gare du Nord ou Gare de l’Est.Ces petites choses insignifiantes peuvent les amener à se retrouver en rétention mais heureusement il semble que tous ont été libérés avant même les 32 jours habituels.

Difficiles aussi les relations avec la sécurité de l’Armée du Salut lors de la distribution de nourriture. Plusieurs fois les exilés se sont plaint du manque de respect,et comme le 10 avril, de l’attitude hargneuse de certains agents de sécurité. Ceci a conduit le 23 avril à un départ en masse des exilés de la place du Colonel Fabien. Réaction disproportionnée de la « sécurité » devant cette manifestation de ras le bol : l’appel à la police (6 voitures) et le départ anticipé de la camionnette laissant ainsi les exilés et d’autres personnes d’ailleurs sans repas du soir (ce qui a d’ailleurs étonné certains policiers présents).
A Calais les associations servent 300 à 400 repas par soir sans service de « sécurité », mais à Paris l’Armée du Salut a besoin de deux ou trois agents de sécurité et de la police dès qu’il y a le moindre problème. Attitude significative qu’on ne peut s’empêcher de relier à des remarques trop souvent entendues « des sauvages, sales, agressifs, irrespectueux, sans gratitude pour ceux qui viennent les aider... ».

Et toujours des prédateurs autour des exilés. Un groupe est venu se plaindre de l’attitude de ce Pakistanais, se prétendant être un haut fonctionnaire de la « police secrète » et qui leur sert d’intermédiaire pour retirer de l’argent, notamment à la Western Union, en prélevant 10% des sommes transférées.

Quel avenir avec Sarkozy ?

L’élection de Sarkozy a été durant ce mois d’avril un des grands sujets de discussion avec les exilés. Certains se voyaient déjà expulsés de force au lendemain du 6 mai ou Paris devenir un « terrain de chasse aux réfugiés » comme Calais. Ils sont aussi inquiets de ce qui pourra se passer près du canal où ils sont plus d’une soixantaine à dormir chaque soir.

A l’approche des élections, craignant une fermeture des frontières et surtout une répression accrue, beaucoup ont quitté Paris pour essayer de passer dans un autre pays le plus rapidement possible et le nombre des exilés présents dans le 10ème a brutalement diminué mi avril. En l’espace d’une semaine plus des trois quarts sont partis.

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