Compte-rendu de réunion

Au ministère des affaires sociales, le vendredi 17 octobre 2003

| publié le 25 octobre 2003 |

Participants :

 Ministère des affaires sociales : Benoît Normand, conseiller technique au cabinet du ministre, François Fillon

 Direction départementale de l’action sanitaire et sociale (DDASS) de Paris : François Petit, directeur adjoint

 Droits devant ! ! : Denise Chautard et Jean-Claude Amara

 Sans-papiers : Yvanne Françis-Palmer et Kader

 Collectif de soutien aux exilés du Xe : Mélanie Le Verger (France Libertés), Jean-Pierre Alaux (Gisti), Jérôme Gleizes (les Verts, conseiller d’arrondissement), Soreh Naghchbandi

 Exilés : Joama Amini Mohammad et Taha

 Syndicat SUD-SSAE : Jeanine Frélicot

La délégation composée d’exilés du Xe arrondissement, de sans-papiers, du Collectif de soutien des exilés du Xe arrondissement de Paris, de Droits devant !! et du syndicat SUD-SSAE explique en introduction au conseiller technique du ministre des affaires sociales, Benoît Normand, et au directeur adjoint de la DDASS de Paris, François Petit, que l’occupation commune du Service social d’aide aux émigrants (SSAE), du 9 au 11 octobre 2003, n’est pas due au hasard. Elle a un sens politique : 90% des demandes d’asile faisant l’objet d’un rejet, le destin de la quasi-totalité des requérants est de devenir sans-papiers. Il est donc logique que des sans-papiers et des demandeurs d’asile luttent ensemble pour la défense et la conquête de leurs droits.

Droits devant ! ! et les sans papiers

Jean-Claude Amara (Droits devant !!) prolonge cette analyse en expliquant que les sans-papiers veulent prioritairement un permis permanent de travail. C’est pourquoi ils s’adressent au ministère des affaires sociales et non au ministère de l’intérieur ou à leurs préfectures respectives. Les sans-papiers, en effet, travaillent tous sans autorisation. Ils sont, de ce fait, exploités par leurs employeurs. C’est pourquoi les sans-papiers entendent accéder à un droit permanent au travail, dont découlera ensuite leur droit au séjour. Ils savent que cette procédure renverse l’ordre habituel de la procédure de régularisation, laquelle fait dépendre le droit de travailler du droit préalable de séjourner en France. Cette procédure classique confère au ministère de l’intérieur tout le pouvoir sur la politique des migrations et sur les régularisations. C’est précisément ce que contestent les sans-papiers et Droits devant !!

Pour Kader, représentant des sans-papiers, le refus de s’adresser au ministère de l’intérieur s’explique aussi par le refus de la précarité : quand les préfectures régularisent des sans-papiers sous l’autorité du ministère de l’intérieur, ils obtiennent au mieux des titres provisoires de séjour (durée de validité d’un an) qui ne sont pas automatiquement renouvelables. Ce n’est qu’au bout de cinq ans de ces cartes précaires - et à condition qu’elles aient été renouvelées - que les régularisés accèdent à la stabilité par la délivrance d’une carte de résident (durée de dix ans).

Yvonne Françis-Palmer, autre représentante des sans-papiers, a, quant à elle, insisté sur la situation des enfants de ces travailleurs qui sont des « Français en devenir « . Elle a donc demandé à Benoît Normand qu’il permette aux parents, par la reconnaissance d’un droit permanent de travailler, de subvenir aux besoins de leurs enfants, plutôt que de les condamner à un assistanat social, lequel est limité, pour les sans-papiers, aux prestations dérisoires de l’aide sociale à l’enfance.

Yvonne Françis-Palmer a remis une liste de noms de 22 adultes et de 17 enfants à Benoît Normand. Tous ces adultes travaillent et bon nombre d’entre eux se sont engagés dans le travail social : ils participent, en effet, à des permanences de conseils et d’orientation pour d’autres sans-papiers qu’ils accompagnent dans leurs diverses démarches administratives. Ils sont donc les acteurs d’une activité d’intérêt collectif. Une discussion s’est engagée sur la possibilité de régularisation pour « les personnes qui, de l’avis d’une commission, peuvent rendre, par leurs capacités ou leurs talents, des services importants à la France, ou se proposent d’y exercer des activités désintéressées « (art. 5-1 de l’ordonnance du 2 novembre 1945).

Pour que l’administration puisse étudier la situation des 22 sans-papiers, Benoît Normand a demandé que leurs dossiers individuels lui soient remis et qu’ils comportent les informations habituelles (identité, situation familiale, durée du séjour en France, travail, démarches déjà effectuées ou en cours, etc.). Il s’est dit intéressé par le sort des enfants au sujet desquels il souhaite obtenir le plus d’informations possible.

Benoît Normand a observé qu’en France, le travail dépend du séjour, et non l’inverse. Il peut donc étudier les dossiers au cas par cas et régulariser des situations pour raisons de « bon sens commun « , ou pour raisons humanitaires, mais il ne peut pas renverser le principe du séjour qui conditionne le travail. Il a également affirmé sa satisfaction quant au retrait de l’amendement sur la pénalisation des étrangers qui sont illégalement employés.

Jean-Claude Amara a rappelé que, lors de l’occupation de la Mie-de-Pain, les Algériens avaient obtenu des régularisations grâce à production de contrats de travail ou de promesses d’embauche. Il a indiqué que la démarche de Droits devant et des sans-papiers est une démarche politique et que, par conséquent, son association ne fait pas de distinction entre les revendications des travailleurs célibataires et des travailleurs en famille. Le ministère des Affaires sociales doit se pencher sur toutes les situations. Il est malsain de laisser au seul ministère de l’intérieur le dossier des sans-papiers, parce qu’il s’agit de droits fondamentaux.

Les préfets, estime Benoît Normand, représentent l’ensemble des ministères dans les départements et dans les régions (sauf le préfet de police à Paris). Il arrive donc au ministère des Affaires sociales de leur « donner des ordres « . Il a également affirmé qu’en tant que « modeste fonctionnaire « , il ne pouvait pas faire autrement qu’appliquer le droit constant. Il a souligné que le contrat d’intégration, élément de la politique d’immigration en train d’être mise en oeuvre par le gouvernement, avait été conçu par le ministère des Affaires sociales. Selon Benoît Normand, cela suffit à montrer que son ministère concourt à la définition de la politique d’immigration au même titre que le ministère de l’Intérieur.

Benoît Normand a ensuite rappelé les chiffres actuels des régularisation : entre 15 000 et 20 000 sans-papiers sont régularisés tous les ans, sur les 270 000 présents sur le territoire, à quoi s’ajoutent les étudiants, pour qui les changements de statut ont été facilités et simplifiés. Sur ce point, Jean-Claude Amara a corrigé les chiffres : ce sont non pas 270 000 sans-papiers, mais 500 000 qui vivent actuellement en France.

Benoît Normand a ensuite remarqué qu’il devait y avoir une réflexion sur la gestion des flux, que, même au ministère de l’intérieur, la nécessité de procéder à des régularisations avait été intégrée. Jean-Claude Amara a demandé s’il voulait parler des quotas. Pour Benoît Normand, le ministère des Affaires sociales serait plutôt opposé à cette notion. La maîtrise des flux doit se faire non pas en fonction de la nationalité, mais en prenant en compte la situation de l’emploi.

Conclusion

La liste nominative de sans-papiers transmise sera étudiée par le cabinet du ministre des Affaires sociales.

Les sans-papiers ont obtenu que Benoît Normand soit leur interlocuteur pour le suivi des dossiers des personnes figurant sur cette liste.

SSAE SUD (Jeanine Frélicot)

Jeanine Frélicot a insisté sur deux points : la protection de l’enfance et la création prochaine de l’agence intergouvernementale à l’intégration qui risque de faire disparaître les missions sociales du SSAE.

Benoît Normand s’est montré surpris de l’alliance entre ce syndicat et les sans-papiers et exilés.

Les militants présents lui ont expliqué que les revendications de ce syndicat du SSAE et des autres étaient liées à celles des exilés et des sans-papiers, qui demandent qu’un accueil efficace, humain et social soit mis en place.

Pour le conseiller du ministre des Affaires sociales, le projet de fusion SSAE-OMI dans une agence de l’intégration est une simple reprise d’un projet du gouvernement précédent, qui avait été élaboré sur la base d’un rapport et de recommandations de la Cour de comptes, dans la mesure où le SSAE est totalement subventionné par l’Etat et où les membres du conseil d’administration du SSAE sont des conseillers d’Etat.

De façon à s’insérer dans les objectifs de la réunion, Jeanine Frélicot a fait porter son intervention sur la sauvegarde des missions sociales actuelles du SSAE (accueil des primo-arrivants, suivi des demandeurs d’asile et des mineurs étrangers, aide à des sans-papiers) dans la future l’agence gouvernementale à l’intégration.

Benoît Normand a reconnu n’avoir pas examiné cette question, parce qu’il n’en avait jamais été saisi, précisant qu’il n’était a priori pas opposé au fait que l’agence prenne en charge ces missions sociales remplies jusque là par le SSAE.

Conclusions

Les syndicats du SSAE ont obtenu qu’une réunion soit organisée au cabinet du ministre des Affaires sociales sur cette question spécifique.

Exilés et Collectif de soutien

Le Collectif de soutien des exilés du Xe arrondissement de Paris a rappelé que, comme lors de la précédente réunion en juin dernier, il avait souhaité soulever, à travers son action locale, deux questions qui se posent à l’échelle nationale : 1) les conditions d’accueil et d’accompagnement social et juridique des demandeurs d’asile ; 2) l’accueil et l’information des étrangers primo-arrivants - les exilés - qui ne savent ce qu’ils peuvent ou veulent demander dans le pays où ils viennent d’arriver. Pour le Collectif, l’abandon auquel les uns et les autres sont livrés par centaines sur tout le territoire ressemble à une politique de dissuasion destinée, d’une part, à les inciter à poursuivre leur exil chez des partenaires de l’Union européenne et/ou, d’autre part, à les convaincre que la France ne peut être un pays de protection.

Les délégués des exilés ont insisté sur les besoins d’hébergement et sur leur volonté de pouvoir travailler pour pouvoir vivre dignement. Ils ont également souligné les difficultés auxquelles ils se heurtent pour apprendre la langue française.

Benoît Normand a d’abord tenté de s’appuyer sur les résultats de la mission de France Terre d’Asile (mai-juin 2003) au square Alban-Satragne : selon le rapport de cette association mandatée dans cette mission par les pouvoirs publics, seuls deux exilés auraient manifesté leur volonté de solliciter l’asile sur les 54 personnes qui s’étaient dites prêtes à aller en CADA.

Pour le Collectif de soutien, cette analyse manifestement sommaire est fausse. L’expérience du printemps dernier, qui a débouché à force de démarches et de protestations publiques au financement d’un nombre variable de chambres d’hôtels pour les exilés (une centaine d’abord, puis 50, puis 40, cette réduction progressive - semble-t-il décidée par la DDASS de Paris - n’ayant pas fait l’objet d’explications franches de la part des pouvoirs publics) a suscité des « vocations « à l’asile. A partir du moment où des exilés peuvent passer d’une relégation à la rue dans des conditions humiliantes à une existence respectant leur dignité, ils sont nombreux à prendre suffisamment confiance dans le pays où ils se trouvent pour lui demander une protection. Ni le SAMU social, ni les structures d’hébergement d’urgence classiques ne répondent à ce besoin parce qu’ils sont saturés et parce que les exilés, jeunes et éduqués pour la plupart, ne s’y sentent pas respectés, ce qui n’enclenche pas le sentiment de confiance nécessaire au dépôt d’une demande d’asile.

C’est pourquoi le Collectif renouvelle la demande de réponses rapides sur deux points prioritaires :

  1. l’hébergement provisoire des exilés primo-arrivants dans un cadre satisfaisant en termes de confort et d’informations ;
  2. l’accueil en CADA des demandeurs d’asile.

Face à cette double revendication, Benoît Normand reconnaît qu’il faudrait rendre possible un hébergement de 3 ou 4 jours pour les exilés. afin qu’ils décident de leur avenir et qu’ils puissent être domiciliés en vue d’une éventuelle demande d’asile. A l’appui de cette idée, il a invoqué l’expérimentation en cours à Lyon et dans le Rhône.

Benoît Normand a interrogé le Collectif sur la faisabilité de ce projet dans le 10ème arrondissement de Paris, d’un point de vue politique. Sans entrer dans les détails, il a laissé entendre que des autorités locales pourraient y être hostiles. Il a demandé au directeur adjoint la DDASS de Paris d’interroger la DDASS de Lyon sur l’expérimentation en cours en Rhône-Alpes, d’étudier la réalisation d’un tel projet en région parisienne, voire en dehors, et de le lui soumettre avant la fin de l’année 2003. Il a indiqué que la réalisation expérimentale de ce projet ne se heurtait pas à un obstacle financier mais qu’il s’agissait d’un problème de lieu.

La DDASS de Paris doit faire un appel à projet en novembre et organiser une réunion de travail pendant la première quinzaine de novembre sur ce projet. Il n’y a donc pas de proposition immédiate.

Sur la deuxième urgence - l’hébergement en CADA des demandeurs d’asile -, Benoît Normand a estimé qu’il était possible d’apporter une réponse positive à cette question. Quelque 7 à 8 demandeurs d’asile du square Alban-Satragne pourrait être admis dans des CADAs chaque semaine dans le cadre du dispositif national d’accueil (DNA). L’association France Terre d’asile (FTDA) serait chargée de cet hébergement sur l’ensemble du territoire national.

Benoît Normand a précisé l’état d’avancement des projets d’augmentation des places de CADA. Chaque département devrait bénéficier de 200 places de CADA. Pour la fin de l’année, l’objectif étant que chaque département ait un CADA. Il a envisagé la possibilité d’une solidarité entre départements, à étudier avec Mme Versini.

Conclusions

 pour les demandeurs d’asile, Benoît Normand a demandé à François Petit, directeur adjoint de la DDASS de Paris, d’utiliser le contingent du dispositif national d’accueil (sur toute la France) au profit des demandeurs d’asile du Xe arrondissement de Paris à raison de 6 à 8 places par semaine. FTDA serait chargée de procéder à cet hébergement.

 pour les exilés primo-arrivants, aucune solution spécifique n’a été proposée à court terme, le projet de lieu d’accueil étant à seulement à l’étude.

En attendant, il a renvoyé les exilés vers le 115 (SAMU social) et autres dispositifs traditionnels qui redémarrent bientôt, pendant l’hiver.

 Pour les formations à la langue française, Benoît Normand a demandé que le Collectif lui adresse un courrier lui permettant de saisir la FASILD de cette question.

Concernant les mineurs étrangers isolés, le Collectif de soutien a fait part des difficultés rencontrées pour le placement des mineurs du square correctement et rapidement. Il a aussi indiqué que les associations en charge de ces mineurs semblent éviter le square et refusent leur prise en charge très souvent.

Conclusion

Benoît Normand va se renseigner auprès de FTDA pour savoir si les 10 lits dont l’association assure la gestion au profit de mineurs isolés pourraient servir aux mineurs du square Satragne en attendant leur placement à l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Il a exprimé sa volonté de rencontrer le Collectif spécialement sur la question des mineurs étrangers isolés.

Le projet de kiosque qui a été remis par le Collectif à Benoît Normand et qui vise à informer les étrangers - notamment primo-arrivants - sur les plans juridique et social a fait l’objet d’une brève discussion. Il pourrait être relié au projet de lieu d’accueil pour nouveaux arrivants. Le SSAE pourrait être chargé de son animation.

Enfin, les problèmes de transport en commun (quelques centaines de contraventions pour défaut de titres de transport) ont aussi été abordés, rapidement. Benoît Normand a proposé de transmettre lui-même à Mme Idrac, PDG de la RATP, notre demande d’"amnistie" et d’abandon des poursuites restée sans réponse.

 

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