Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la rétention et les zones d’attente (ou presque…)

| publié le 7 mai 2004 |

Pour comprendre pourquoi a été inventé ce mode raffiné d’enfermement qu’est la rétention administrative ( ou le maintien en zone d’attente ), il suffit de détailler grossièrement comment se passent les expulsions.

Une personne n’ayant pas le droit de circuler ou de résider en France est arrêtée. Elle doit être expulsée ( si l’administration ne choisit pas lui faire faire un détour par la case prison puisque le séjour irrégulier est un délit ; si c’est le cas, ce qui est expliqué ensuite se déroulera à la fin de la détention ). Pour expulser, un temps d’organisation est nécessaire :

 le temps d’obtenir un laissez-passer du pays de renvoi si la personne n’a pas son passeport sur elle et que la préfecture n’a pas récupéré la photocopie du dit passeport lors d’un quelconque fichage, - pardon, de « l’examen d’une demande de titre de séjour »,

 le temps dévolu aux recours divers auprès des tribunaux en gardant l’étranger sous la main puisqu’il y a de grandes chances qu’ils soient rejetés,

 le temps de trouver une place dans un avion, par exemple en la réservant par le biais de la compagnie Carlson Wagonlit Travel à une compagnie serviable, voire le temps d’affréter un charter si un lot de sans-papiers approximativement du même pays d’origine est disponible. L’étranger peut aussi avoir été arrêté au cours d’une rafle ciblée visant à remplir un charter déjà affrété, dans ce cas, le temps de préparation de l’expulsion est extrêmement réduit.

C’est ce temps d’organisation nécessaire et incompressible que l’étranger passera en rétention ou durant lequel il sera maintenu en zone d’attente. Il sera dans un centre de rétention s’il a été arrêté sur le territoire français, dans une zone d’attente s’il s’est fait arrêter à la frontière. Centres et locaux de rétention, ainsi que zones d’attentes existent parce qu’il est impossible d’expulser « à flux tendu », un temps de « stockage » est donc nécessaire. Tout le reste découle de cette nécessité, assaisonnée d’un peu de « respect de la personne humaine » (on est en démocratie, que diable…) qui ne change rien à cette réalité : tout est fait dans la rétention pour faciliter l’organisation des expulsions.

D’ailleurs, la loi Sarkozy, parue au Journal officiel le 27 novembre 2003, facilite cette organisation :

 en allongeant le temps de rétention.

 en permettant désormais des pratiques jusque là considérées comme illégales et qui entraînaient souvent des annulations de procédures : la notification des droits se fait désormais « dans une langue que l’étranger comprend » et l’interprète peut intervenir par l’intermédiaire de moyens de télécommunication ; les notifications des droits lors de la remise d’un APRF ne sont plus « immédiates » mais « dans les meilleurs délai » ; les procès peuvent se faire par vidéo-conférence et/ou sur les lieux d’enfermement (une salle à déjà été construite à cet effet à zapi 3, zone d’attente de Roissy en 2001).

 en délégant à des entreprises publiques ou privées des missions portant sur la conception, la construction, l’aménagement, l’entretien, l’hôtellerie et la maintenance des centres de rétention et zones d’attente ainsi que les transferts de retenus.

Signalons les propos de Sarkozy le 22 octobre dans une circulaire aux préfets : « sans attendre l’adoption définitive de la nouvelle loi en cours de discussion, la présente circulaire a pour but de mettre en place un dispositif de nature à améliorer le taux d’exécution de ces mesures en créant des outils et des procédures propres à répondre aux difficultés principales rencontrées en matière d’éloignement des étrangers ».

Qui ?

En zone d’attente :les étrangers arrêtés en zone frontalière (sans visa ou si les papiers qu’ils produisent sont suspectés d’être faux), y compris dans les zones internationales aéroportuaires, portuaires, ferroviaires et routières sont maintenus en zone d’attente. Les statuts juridiques de ceux qui y sont maintenus sont très différents : ceux qui attendent d’être ré-acheminés vers le pays de provenance, ceux qui ont pu déposer une demande d’asile et qui sera examiné en urgence, ceux dont la demande de dépôt de demande d’asile a été considérée « manifestement infondée » et qui seront réacheminés aussi.

En rétention :

 des étrangers en situation irrégulière, c’est à dire dépourvus de papiers (visa en cours de validité ou carte de séjour) les autorisant à être en France. Le placement en rétention est permis par un APRF (arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, qu’il ait été pris à l’occasion d’une arrestation ou à la suite d’un refus de séjour), un arrêté d’expulsion ou une interdiction du territoire.

 des étrangers à qui il a été notifié un arrêté d’expulsion.

 des doubles peines sortant de prison pour des raisons liés au statut de sans-papiers ( refus d’embarquement, falsification d’identité, séjour irrégulier ) ou pour tout autre délit accompagné d’une ITF ( interdiction du territoire français ).

 de plus, dans le cadre de l’harmonisation européenne, la France se donne la possibilité, dans la loi Sarkozy, d’expulser des étrangers lorsque la décision d’éloignement a été prise par un autre état membre de l’union européenne.

Où ?

Il existe deux types de lieux de rétention : les centres statutaires et les locaux de rétention.
 les centres statutaires sont au nombre de 24 en France : établissements le plus souvent construits « en dur », spécialisés à cet usage et utilisés de façon permanente (« sans considération du lieu de résidence ou du département dont le préfet a ordonné le placement en rétention »). Ils peuvent être couplés à une caserne de gardes mobiles (comme au Mesnil-Amelot), dans un ancien camp (comme à Rivesaltes, qui a servi à concentrer à travers le temps des Espagnols, des juifs, des Sénégalais, des Indochinois, des militants du FLN, de l’OAS, des harkis, des clochards ou des putes…) Ils peuvent être placés à proximité des lieux d’expulsion (aéroports à Roissy, Lille, Lyon ou ports à Arenc-Marseille).

 les locaux de rétention ont pour objet de fournir des places d’accessibles rapidement et à proximité des tribunaux ( le décret d’application du 19 mars 2001, qui réglemente ces locaux, précise que les personnes peuvent y être retenues au maximum 48h, sauf s’il n’y a pas de centre de rétention dans le secteur). Ils sont souvent dans des commissariats, des casernes ou des préfectures. N’importe quel lieu peut devenir, provisoirement ou non, un local de rétention (à la seule condition qu’il ne dépende pas de l’Administration Pénitentiaire) et ce, sur simple arrêté préfectoral. Ce fut le cas lors de l’arrestation massive de Roms à Choisy-le-Roi où un hôtel Campanile servit provisoirement de local de rétention.

Les zones d’attente sont situées dans ou à proximité des zones internationales aéroportuaires, portuaires, routières ou ferroviaires. Les trajets que doivent parcourir les étrangers maintenus ( du point de débarquement au lieu d’enfermement ) sont considérés comme faisant partie de la zone d’attente quand ils sont parcourus par des maintenus. La tendance semble être à l’élargissement de cet étrange principe qui tend à déconnecter la zone d’attente d’un espace matériel circonscrit pour en faire un statut attaché à la personne même : la zone d’attente sera sous les semelles de l’inadmis. Les locaux doivent répondre à des conditions dites « hôtelières », ce qui n’exclut ni gardiens, ni barreaux, ni mitard même quand les zones d’attente sont implantées dans des hôtels, comme ce fut longtemps le cas à l’hôtel Ibis de Roissy ou comme c’est encore le cas à l’hôtel Ibis d’Orly et à l’hôtel Climat à Lyon.

On assiste aussi à un niveau européen à une externalisation du traitement des migrants notamment par des subventions de l’Union européenne aux pays limitrophes pour financer des moyens de contrôle et des lieux de détention pour immigrés hors des frontières de l’UE.

Pour combien de temps ?

 En rétention : 48 heures sur seule décision des autorités administratives. Après ce délai, si l’étranger n’est pas expulsé, l’administration peut demander au juge le maintien en rétention du retenu et ceci par 2 fois, la première fois pour 15 jours, la deuxième fois pour 15 ou 5 jours. Pour le second maintien, la prolongation est possible, en principe, pour 5 jours quand l’« éloignement » n’a pu être réalisé, pour 15 jours si l’étranger a dissimulé des éléments permettant son identification, ou s’il a fait obstruction volontaire à son éloignement. Le juge peut décider le maintien en rétention de l’étranger ou l’assigner à résidence ( en échange du passeport ) ou encore le libérer s’il constate une faute de procédure.

 En zone d’attente, les délais sont différents : 4 jours, puis 2 fois 8 jours. La loi Sarkozy prévoit lorsque l’étranger dépose une demande d’asile dans les 4 derniers jours du maintien en zone d’ attente, une prolongation supplémentaire d’office de 4 jours sans validation du juge des libertés.

A l’issue de ces périodes ou si l’un des délais de passage devant le juge n’est pas respecté (à l’heure près), les étrangers qui n’ont pas été expulsés doivent être libérés. Ces audiences font partie des moments clés où l’on peut intervenir : à ces occasions il est possible de faire pression sur la machine administrative pour obtenir la sortie de rétention ou de zone d’attente, par exemple en s’y rendant nombreux, en discutant avec l’avocat, à plus forte raison s’il est commis d’office, pour qu’il soulève par écrit des nullités de procédure.

Empêcher la construction des centres qui optimisent, aseptisent, rentabilisent la rétention, c’est se donner les moyens de faire échec à ces projets, qui s’inscrivent dans une tendance européenne ; c’est rendre matériellement impossible cette généralisation de l’enfermement ; c’est arracher des espaces de liberté. L’Etat ne peut arrêter, enfermer, expulser plus que ce que ses moyens matériels ne le lui permettent : endiguer l’accroissement de ces moyens matériels, c’est autant de détenus potentiels en liberté.

 

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