AFP 30 décembre 2005
| publié le 1er janvier 2006 |
Les migrants présents à Calais et dans sa région s’éloignent du centre de la ville et se réfugient dans les forêts alentour pour faire face au froid et à la neige. Dans le bois des Garennes, au nord de Calais, plusieurs dizaines de migrants se sont regroupés dans des campements de fortune. A l’abri dans des cabanons improvisés, chacun a son astuce pour s’isoler de la terre glaciale. Ici, une palette de bois fait office de sommier. Là, ce sont des branchages. Toutes sortes de matériaux récupérés sur des chantiers voisins, des cartons, des bâches en plastique, des morceaux de plexiglas, ou tout ce qui a pu être récupéré sur des chantiers voisins sont utilisés pour fabriquer des abris de misère. Ce bois, connu des migrants et des CRS, est habituellement "habité" par deux, trois cabanons de fortune. Ils étaient une bonne dizaine jeudi. D’autres migrants ont investi d’autres forêts ou des chantiers de construction voisins. "Etant donné la pression policière sur Calais et les arrestations pendant les distributions de repas, ils se sont éloignés du centre-ville", explique Jean-Claude Lenoir, l’un des responsable d’associations de bénévoles qui viennent en aide aux migrants. "A l’extérieur de la ville ils peuvent essayer de mieux vivre, faire un feu pour se chauffer, se prémunir du froid. A Calais, le moindre feu de bois, et la police les embarque", ajoute Jean-Claude Lenoir, qui dénonce "l’hypocrisie" de la situation.
Il y a une dizaine de jours, une centaine de migrants ont été interpellés pendant une distribution de repas à Calais. Comme après chaque vague d’arrestations, ils ont été dirigés vers des centres d’accueil à l’extérieur du département et ont mis deux à cinq jours pour revenir dans le Calaisis, illusoire porte d’accès vers la Grande-Bretagne, inaccessible eldorado que tous rêvent d’atteindre.
DIALOGUE DE SOURDS
"Les services de l’Etat ont débloqué 150 places par semaine dans des structures d’accueil à l’extérieur du département", explique le commandant Marce de la Police Aux Frontières (PAF) de Calais. "On peut les mettre au chaud", assure aussi la préfecture du Pas-de-Calais. Les relations entre les migrants, les associations et l’Etat continuent à ressembler à un dialogue de sourds. D’un côté, les bénévoles réclament "de l’aide humanitaire pour des situations désespérées". De l’autre, les pouvoirs publics refusent tout point de fixation à Calais pour éviter un "nouveau Sangatte", le camp de transit fermé en 2002 par Nicolas Sarkozy, déjà ministre de l’Intérieur à l’époque. "On ne veut pas un nouveau Sangatte, simplement que l’on traite les migrants comme des êtres humains et qu’on les informe, dans la dignité, de leurs droits", déclare Jean-Claude Lenoir. Chaque jour, différentes associations distribuent sur un quai du port de Calais deux repas, un froid le midi, un chaud le soir. De temps en temps, ils donnent du bois de chauffage, des vêtements et des couvertures. Des migrants s’y rendent, d’autres non, de peur de se faire interpeler par les CRS et de se retrouver quelques centaines de kilomètres plus loin. La quasi-totalité des migrants interpellés ne sont pas reconductibles à la frontière. Des bénévoles font des navettes pour amener des migrants jusqu’à une douche, un médecin ou une infirmière eux aussi bénévoles qui soigneront des cas de gale, des morsures, des maladies de peau liées à une absence totale d’hygiène. Tous craignent que cet hiver un migrant meure de froid, et dénoncent l’attitude d’un Etat qu’ils jugent "défaillant et inhumain".