Voix du Nord, 13 avril 2006
| publié le 15 avril 2006 |
HIER soir, les clandestins de Calais n’ont pas dormi dans les bois. Les cabanes et les tentes crasseuses, infestées de puces, habitées par les rats, ont été détruites.
Le matin, dès huit heures, une cinquantaine d’employés du service propreté urbaine ont commencé un long et fastidieux travail de destruction des abris de fortune qui ont hébergé des centaines de personnes. Car le bois Dubrulle, vaste espace peuplé d’arbres malades dans une zone industrielle polluée par les usines chimiques, cachait bien plus qu’une quinzaine d’abris de fortune. Hier, ce sont près d’une quarantaine de refuges qui ont été démolis. Selon un responsable, « il faudra non pas deux jours comme prévu, mais une semaine pour tout nettoyer ».
« Je n’ai jamais vu une chose pareille, c’est terrible de voir qu’ils vivaient là-dedans, soupire un jeune employé de la ville, le regard posé sur une tente entourée de détritus. Je ne les juge pas, on ferait peut-être pareil si on devait quitter notre pays à tout prix. »
Ne pas juger pour certains, mais observer, avec dégoût et colère pour d’autres, le quotidien de ces indésirables qui s’accrochent à leur rêve de Grande-Bretagne. « Pourquoi on ne leur ouvre pas un centre ?, s’interroge un ouvrier. Quand ils étaient à Sangatte, les réfugiés posaient moins de problèmes. Depuis la fermeture du centre, nous passons notre temps à nettoyer leur m... »
Vie dans les ordures
Bien plus qu’un simple squat, le bois Dubrulle peuplé de décharges sauvages est devenu au fil des mois une véritable poubelle. La vie dans les ordures, voilà en quelques mots comment pouvait se résumer le quotidien des migrants en situation irrégulière.
Pendant des heures, les employés de la ville ont traîné des centaines de bâches en plastique, emmené des kilos de couvertures et ramassé des tonnes de déchets jonchant les sentiers de cette forêt de misère. Ils ont rempli quatre bennes à ordures, et le travail est loin d’être fini. « C’est bien plus que l’année dernière », commente, désabusé, un autre employé municipal qui a participé à un nettoyage similaire, au même endroit, en 2005.
La politique d’usure menée par la police aux frontières a ses limites et les placements dans des centres d’accueil ont toujours aussi peu de résultats. « Jeudi, nous avons interpellé quatre-vingt-dix-neuf personnes qui ont été placées dans des centres d’accueil et déjà la plupart sont de retour à Calais, assure, le ton grave, un agent de la PAF. On met ces gens à l’abri et ils préfèrent revenir à Calais, quitte à y retrouver des conditions de vie inacceptables. Que voulez-vous qu’on fasse ? »
Des squats ont été éradiqués, certes, mais d’autres poussent déjà quelques centaines de mètres plus loin. Insidieusement, les abris de fortune et leurs nombreux occupants s’imposent comme le symbole de l’échec de l’État dans la lutte contre l’immigration clandestine à Calais.
Olivier PECQUEUX