Belgique
L’Humanité, 3 février 2006
| publié le 17 février 2006 |
Une pétition pour Anar, sept ans, Leïla, cinq ans, et tous les enfants retenus derrière les barbelés : c’est la dernière initiative prise ce mercredi en Belgique pour sensibiliser la population à la situation des enfants et des adolescents détenus avec leurs parents dans des centres pour immigrés illégaux, en attendant leur expulsion. Ces derniers jours, plusieurs actions ont été lancées dans le pays pour dénoncer la multiplication des cas de mineurs enfermés. L’histoire d’Anar est celle qui, la première, a touché l’opinion publique, à la mi-novembre : cet enfant originaire de Mongolie comptait à l’époque 110 jours de rétention, durant lesquels il n’a pas été scolarisé. Selon des estimations, soixante-dix mineurs se retrouveraient aujourd’hui dans cette situation. Ce chiffre devrait encore gonfler après la récente décision du gouvernement de créer des ailes « familles » qui, sous couvert d’améliorer les conditions de vie, pourrait lever les derniers freins à l’enfermement des enfants. « Mobilier et jeux seront apportés mais (...) physiquement, ce sera une prison », jugeait sévèrement une délégation parlementaire la semaine dernière.
Pour protester contre cette orientation sécuritaire, 2 000 personnes, une mobilisation jugée importante en Belgique, ont participé dimanche à un défilé devant le centre de Vottem, près de Liège, où doit être créée à la fin du mois une structure spéciale pour « accueillir » huit à dix familles. Les manifestants ont déposé des peluches sur les grilles de l’établissement. Parmi la soixantaine d’organisations à l’origine de la mobilisation, figurent les principaux syndicats du pays, la FGTB et la CSC, les partis Écolo et CDH (démocrate-chrétien), ou encore la Ligue des familles. Des évêques ont rejoint au groupe des opposants. Tous dénoncent, en se basant sur un rapport indépendant de 1999, la « maltraitance psychologique » que représente la rétention et ses « conséquences inévitables sur le développement » des mineurs. Enfin, ils soulignent que l’enfermement des enfants viole, au niveau international, les engagements humanitaires du royaume et, sur un plan intérieur, l’obligation de scolarisation jusqu’à 18 ans.
Le débat se déplace désormais au niveau politique. Deux parlementaires du CDH viennent de déposer, l’une à la Chambre des députés, l’autre au Sénat, une proposition de résolution visant à interdire l’enfermement des mineurs. Elles proposent que les familles soient logées dans des endroits non fermés, pour offrir aux mineurs à la fois l’intimité et la scolarité. Face à cette initiative du centre-droit, les socialistes font pâle figure : membres de la coalition au gouvernement, le PS francophone se contente pour l’instant de dénoncer une « violation » de l’accord de gouvernement de la part de ses alliés libéraux, qui ont décidé seuls de la création des ailes « familles ». Le texte signé au début de la législature invoquait en effet la nécessaire « humanisation » des centres de rétention. Le ministre fédéral de l’Intérieur, le libéral Patrick Dewael, dit ne pas avoir fait autre chose en facilitant l’internement des enfants : « Séparer les familles serait encore plus inhumain », a-t-il jugé cette semaine.
Paul Falzon