Maraudes de mai

Un mois de mai difficile pour les exilés du 10ème

| publié le 26 juin 2006 |

Retour Avenue de Verdun et sur les quais du canal St Martin.

Après l’arrêt du plan d’urgence hivernal le 22 avril, les exilés se sont tous retrouvés avenue de Verdun la nuit, sous la pluie et dans le froid.
Ils étaient plus d’une cinquantaine à camper sur le terrain de boule le 2 mai et une trentaine sur les quais du canal St Martin. Cet entassement de cartons, de plastiques, de matelas mousse, n’a pas plu aux riverains et aux autorités. Les agents de la sécurité municipale sont intervenus le 13 mai et ont fait enlever tout ce qui était sur le terrain à l’heure où la plupart des exilés étaient partis prendre leur petit déjeuner. Couverture, duvets, vêtements, et autres affaires ont disparu. Ils n’ont gardé que les quelques affaires qu’ils avaient emportées avec eux.
Avec le temps pluvieux nombreux allaient le soir dormir sous les arcades de la place Raoul Follereau. Ce qui a conduit un soir à une longue discussion le 8 mai avec le gardien qui a fini par les laisser se reposer là, à conditions qu’ils n’étalent pas matelas et couvertures. Les exilés m’ont dit que les jours précédents des habitants étaient venus jeter de l’eau sur eux durant la nuit !
Le 18 mai une intervention de la police, dirigée au départ contre la distribution de la soupe au cochon par l’association d’extrême droite « Solidarité Des Français », s’est transformée en une opération d’évacuation des afghans présents avenue de Verdun et dans le parc.
Depuis cette date la plupart des exilés ont décidé, pour être tranquilles de s’installer sur les quais et sous les ponts du canal St Martin. Ils sont maintenant une cinquantaine là bas, certains dormant dans 7 tentes, dont 5 distribuées le 2 avril lors de l’opération igloos organisée en marge du concert du collectif « Uni(e)s Contre une Immigration Jetable » , les autres sur des cartons ou des matelas mousse. A part les touristes qui les prennent en photos personne ne vient les déranger. Contrats étonnant entre ces exilés campant sur les quais et la clientèle « bobo » qui fréquente les bars des rues le long du canal St Martin.
Une quinzaine d’entre eux seulement campent avenue de Verdun.

Les mineurs ne sont plus hébergés dans les hôtels

Le dispositif d’hébergement hôtelier mis en place cet hiver sous la pression des associations s’est arrêté. Depuis le 1er avril il était devenu quasiment impossible de faire héberger les nouveaux mineurs arrivant à Paris.
Ils sont une quinzaine chaque jour à dormir dehors, parfois très jeunes comme celui qui est arrivé seul d’Italie le 11 mai et qui n’avait que 11 ans.
Le 31 mai ne restaient dans les hôtels que 4 jeunes qui avaient reçu leurs papiers par fax et qui étaient hébergés dans l’attente d’un rendez-vous avec l’Aide Sociale à l’Enfance. Les autres se sont retrouvés dehors. Ceux qui allaient chaque jour à l’école ne peuvent plus le faire compte tenu des nuits difficiles qu’ils passent sur les quais.
La plupart des mineurs apprenant qu’ils allaient être mis dehors ont décidé de poursuivre leur route et sont partis à Calais. S’ils ont été déclarés majeurs après un examen osseux, et s’ils n’ont pas la possibilité de faire venir rapidement leurs papiers (comme H dont les parents habitent dans un village où il n’y a pas de fax), ils n’ont aucun avenir en France dans les conditions actuelles. On les a retrouvés à Calais, fatigués, harcelés par la police, essayant de passer en Angleterre.
Rien n’a bougé et le dispositif « admis », considéré par tous comme « embolisé » semble ne pas devoir évoluer. Au contraire l’ASE et la DDASS reprochent aux associations cet hébergement et même la scolarisation des jeunes dans l’attente de leur prise en charge.
Il est parfois difficile de convaincre les jeunes qui arrivent d’aller à l’association « Aux Captifs la Libération ». Ils se méfient et n’en voient pas l’intérêt. Beaucoup y sont quand même allés après les arrestations du 4 mai lorsqu’on leur a expliqué que la carte que leur remet cette association ou FTDA (avec leur date de naissance et leur photo) les protége des interpellations (au moins à Paris car à Calais la police déchire systématiquement ces cartes et n’en tient pas compte : un mineur s’est ainsi retrouvé avec un APRF où il était marqué qu’il était né en 1980... d’habitude que ce soit à Paris ou Calais pour la police tout exilé se déclarant mineur est né en 1998... année d’explosion démographique en Afghanistan comme chacun sait !) et aussi de l’examen osseux s’ils sont arrêtés. Deux mineurs arrêtés le 4 mai avaient ainsi été déclarés majeurs et mis en rétention.
A noter que l’association « Aux Captifs » ne reçoit plus ceux qui ont été déclarés majeurs à l’examen osseux, entérinant ainsi cette méthode de détermination de l’âge qu’ils disent pourtant condamner.
Inciter les mineurs à aller à l’association « Aux Captifs » juste pour bénéficier de cette carte et de deux jours d’accueil peut apparaître comme une vision minimaliste, mais que leur dire d’autre avec le dispositif actuel ?

Début mai, une rafle avenue de Verdun et dans la Parc Villemin.

Le 18 avril nous indiquions que les contrôles et interpellations d’exilés dans le 10ème se multipliaient.

Entre le 3 mai et le 5 mai, plus de cinquante exilés ont été interpellés, en différents endroits : gare du Nord, gare de l’Est, près de la place de la République et surtout Avenue de Verdun et dans le Parc Villemin le 4 lors d’une rafle massive et ciblée. Dix exilés ont ainsi été retenus pendant 32 jours au Centre de Rétention Administrative de Vincennes et un pendant trois semaines au Centre de la Cité. Ce dernier ne comprend pas pourquoi alors qu’il voulait repartir, que l’ambassade d’Afghanistan l’avait reconnu, on l’a remis dehors, à charge pour lui d’aller à l’ANAEM.

Autour de ces arrestations beaucoup de discussions : les exilés ne comprennent pas pourquoi on les arrête. Ils estiment n’avoir commis aucun crime et aucun délit, ce qui explique d’après l’un deux pourquoi ils n’ont pas fui en courant lorsque la police est intervenus le 4 mai. Des interrogations également quant à la délivrance des laissez-passer par les ambassades du Pakistan et d’Afghanistan et quant à l’utilisation des empreintes dans le cadre du système Eurodac.

La partie de ping-pong continue entre Calais et Paris et entre les différents pays européens

Durant ce mois de mai de nombreux exilés sont revenus de Calais, souvent plus âgés que ceux que l’on avait l’habitude de voir depuis janvier. Certain pour souffler un peu, d’autres pour chercher de l’argent, d’autres pour fuir les problèmes avec les passeurs kurdes de fin avril durant lesquels plus de 15 personnes ont été blessées.

Ils vivent mal la situation à Calais, ne comprenant pas pourquoi la France qui ne veut pas d’eux ne les laisse pas partir en Angleterre, d’où des explications sur le dispositif Schengen.
Ils se sentent aussi très isolés à Calais. La distribution de repas, de vêtements par les associations ne compense pas le manque de contacts, de relations humaines, de discussions avec la plupart des bénévoles. Ils ont une vision très critique de ces associations, très méfiante aussi car ils soupçonnent certaines personnes d’être de la police. A noter le passage de Dominique Strauss Kahn, qui leur a été présenté par quelqu’un d’une association comme le futur président qui allait résoudre leurs problèmes ! Ils nous ont demandé quand le gouvernement allait changer et étaient un peu déçus d’apprendre d’une part que DSK était loin d’être le futur président et que de toutes façons il fallait attendre encore un an, sans être sûr que la situation s’améliorerait pour eux.

Même si certains réussissent à franchir les trois contrôles de police et à atteindre l’Angleterre, le passage semble de plus en plus difficile. Pourtant ils gardent tous l’espoir de pouvoir atteindre un pays où les conditions d’accueil leur semblent plus favorables. Espoir entretenu par les nouvelles de ceux qui y sont parvenu, nouvelles d’ailleurs parfois fausses (on a revu à Calais certains de ceux qui parait-il avaient téléphonés de Manchester, Londres...). L’existence d’une forte communauté pakistanaise ou afghane leur permet d’espérer pouvoir s’installer et travailler, la désorganisation du dispositif d’immigration anglais leur fait penser qu’ils pourront passer au travers des contrôles, et pour les mineurs la plus grande facilité de se faire reconnaître comme tel est intéressante.

Pourtant nous le processus de réadmission de la convention de Dublin fonctionne, même en Angleterre d’où certains de ceux que l’on a rencontré en mai, ont été renvoyés vers la Grèce après trois ans passés à Londres.
Il y a parfois pourtant des situations étranges comme celle de celui qui avait été arrêté à Calais avec prise d’empreintes digitales, reconnu mineur en Angleterre, réexpédié vers la France un an après lorsqu’il a voulu demander l’asile et que la France, où il demande l’asile, veut maintenant renvoyer en Angleterre, ne trouvant pas de preuves de son passage en France.

Pour information, de Calais durant les trois derniers mois sur 80 Afghans, Pakistanais et Iraniens en rétention, 32 ont été réadmis dans différents pays européens, principalement en Autriche, Allemagne, Belgique et Grèce.

Pour arrêter d’être la balle de cette partie de ping-pong certains essayent de trouver d’autres voies : la Légion Etrangère (mais à ma connaissance aucun n’a réussi à y entrer depuis janvier), le Canada, la Nouvelle Zélande (mais peu d’espoir de ce côté-là), l’asile (mais ils sont déçus par les conditions offertes aux demandeurs d’asile puis à ceux qui ont obtenus le statut) et l’ANAEM pour l’aide au retour. Trois ou quatre ont envisagé cette dernière solution mais les 2 000 euros qu’ils peuvent obtenir s’ils font l’objet d’une mesure d’éloignement (600 euros en France, 1000 euros sur place 6 mois après le retour et 400 euros un an après) ne les attire pas trop. Ils ne sont pas sûrs d’obtenir l’argent une fois sur place et le montant leur semble trop faible.

Cela va devenir de plus en plus difficile de se soigner

L’association « Médecins sans frontière », passage Dubail, ferme ses portes fin juin et n’accueille plus de nouveaux patients après le premier juin. Cela va créer un grand vide car cet hiver, elle avait reçu 120 exilés dont 57 mineurs pour des pathologies étroitement liées à leurs conditions de vie (63 cas de maladies respiratoires et 27 cas de maladies cutanées, gale principalement).
Il ne restera donc que l’association « Médecins du Monde » car à moins d’être mineur et de disposer d’une carte d’une association, il est difficile de se faire soigner dans les hôpitaux comme a pu le constater un exilé qui s’était cassé le doigt : L’hôpital Lariboisière lui réclamait 30 euros pour le soigner et il a fallu l’intervention de MSF pour obtenir qu’il puisse avoir un plâtre correct, quinze jours après.

Pour finir sur une note plus gaie : les 10 exilés retenus au CRA de Vincennes ont été libérés le 6 juin après 32 jours de rétention.

Le compte-rendu en format pdf :

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