Compte rendu des maraudes de juin 2006

| publié le 21 juillet 2006 |

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A Paris comme à Calais les opérations de police se poursuivent.

A Paris le mardi 20 juin à 9 heures, une dizaine de policiers est intervenue avenue de Verdun. Ils ont interpellé la trentaine d’exilés présents autour des cabines téléphoniques et sur le terrain de boules. Heureusement à cette heure la plupart des exilés n’étaient présents ni dans le parc Villemin ni avenue de Verdun. Cette opération dont on ignore le motif rappelle celle qui a eu lieu le 4 mai dernier au même endroit.
Si la plupart ont été libérés après quelques heures au poste de police, quatre ont été transférés au Centre de Rétention de Vincennes. Nous n’avons pas pu les défendre car ils ont refusé de prendre des avocats. Là encore la méfiance est de mise. Arrivés depuis le vendredi nous n’avions guère eu le temps de discuter avec eux et de vaincre leur méfiance, voire même pour certains une certaine hostilité et de leur expliquer ce qui se passait en France. Notamment le rôle des membres de la CIMADE dans les centres de rétention qu’ils ont trop souvent tendance à considérer comme des auxiliaires de police (un texte explicatif en farsi sera élaboré prochainement). Lorsque nous avons eu les informations sur les quatre retenus de Vincennes, il a fallu plus d’une heure pour les convaincre que notre but n’était que de les aider (la situation était complètement différente avec ceux qui avaient été arrêtés début mai et que nous connaissions mieux). Après cet épisode et les nombreuses explications données au fil des maraudes l’ambiance s’est très nettement détendue et certains d’entre eux revus à Calais étaient nettement plus confiants et souriants.

A Calais, le harcèlement policier s’est accentué et de nombreux exilés sont revenus à Paris après avoir été éloignés de Calais. Il faut noter que l’on voit de moins en moins de « sauf conduits » enjoignant les exilés à regagner le plus rapidement possible un « foyer » dans une autre ville, parfois très éloignée et leur donnant 5 jours pour déposer une demande d’asile.
Plus fréquemment, quand la police les interpelle à Calais, elle peut leur proposer de solliciter l’asile au lieu d’être frappés d’une mesure d’éloignement et éventuellement d’un placement en rétention. Ceux qui acceptent la proposition (à condition qu’elle leur soit faite) sont conduits en dehors du Calaisis vers des centres d’hébergement d’urgence (AUDA) en vertu d’un dispositif qui porte de joli nom d’Ulysse. Il concerne 155 exilés par semaine (en moyenne) qui sont répartis dans 9 centres différents. Ils disposent alors de 48h pour se déclarer demandeurs d’asile à la préfecture la plus proche. Selon des gestionnaires du dispositif d’accueil, la plupart des exilés ainsi traités reprennent la route de Calais (ou de Paris) dès que les bus d’Ulysse les ont déposés devant la porte des centres.
Nous en avons vu ainsi revenir sur Paris entre 5 et 10 par semaine.

Calais zone de non droit, y compris pour les mineurs.

Le 8 juin dernier un jeune qui avait été suivi par FTDA mineur et qui avait avec lui une carte avec son nom et sa photographie, indiquant qu’il était né en 1989 et donc âgé de 17 ans, a été arrêté. Tant la police qui n’avait pas noté la présence de ce document lors de la fouille, que le tribunal lors de son audience du 10 juin devant lequel ce jeune a de nouveau indiqué qu’il était mineur, ne semblent avoir jugé nécessaire de suivre la procédure qui s’applique en France pour la protection des mineurs étrangers isolés. L’avocat commis d’office n’a pas non plus été gêné par cet aspect et n’a pas jugé bon de faire appel. Ce jeune a donc été maintenu en rétention 15 jours. Nous n’avons pas eu le détail de l’audience de maintien en détention du 26 juin mais il semble que les interventions faites aient conduit à sa libération. Heureusement pour lui que ses amis nous ont informés de sa rétention.
La police de Calais ne semble pas prendre en considération la présomption de minorité, même attestée par des documents rédigés par les associations du dispositif « admis » de Paris, documents que la police a tendance à déchirer régulièrement. Les dates de naissance de jeunes considérés comme mineurs à Paris sont d’ailleurs assez identiques sur les documents issus des services de Police ou de la Préfecture.... Explosion démographique au Pakistan comme en Afghanistan le 1er Janvier 1988 !

A Paris la situation des mineurs étrangers isolés se dégrade

Durant ce mois de mai, la dégradation de l’accueil des mineurs afghans s’est accentuée. La plupart des jeunes se déclarant mineurs ne trouvent plus de place d’hébergement même s’ils ont pu obtenir par fax une copie de leurs papiers. Ceci a été le cas notamment d’un jeune dont les papiers indiquaient l’âge de 15 ans et qui avait demandé qu’on lui envoie les originaux. Le nombre de places d’hébergement pour les mineurs présumés a été considérablement réduit : environ une dizaine pour FTDA mineur, 2 pour Relais 18 et 2 pour Enfants du Monde Droits de l’Homme. Pour la DDASS et l’ASE, le fait qu’entre 15 et 20 mineurs présumés dorment sous les ponts du canal St Martin ou Avenue de Verdun ne semblent pas poser de problème... la notion de « danger » pour eux ne semblant se mesurer qu’en terme de température ambiante ! Et pourtant chaque semaine de nouveaux jeunes arrivent Avenue de Verdun. Le 17 juin il y en avait trois de moins de 15 ans... âge difficilement contestable étant donnée leur apparence physique.

D’autres pratiques visent à se débarrasser de ces jeunes. Comment qualifier l’attitude d’un juge pour enfants envers un jeune déclaré mineur qui lui a donné l’impression pendant tout l’entretien d’être un menteur voire un délinquant ? Cette pratique inquisitoire a complètement choqué ce jeune qui était depuis plus d’un mois dans un foyer, qui avait commencé à suivre des cours de français. Le soir même nous l’avons vu au parc Villemin. Lui que nous avions vu souriant, gentil tout au long de ces derniers mois s’était complètement renfermé. Les seules discussions portaient autour du « qazi » du juge et de son incompréhension. Finalement il est parti à Calais où nous l’avons revu le 1er juillet.

Cette appréhension des jeunes comme des « menteurs », des « dissimulateurs » n’est pas le seul fait des juges. Un autre jeune était désemparé : il avait reçu ses papiers mais l’ASE a refusé de les prendre en compte. Les raisons ? d’une part le nom indiqué n’était pas le nom patronymique mais seulement le prénom du père,ce qui semble arriver de temps en temps comme pour SH, l’un des retenus à Vincennes. D’autre part le lieu de naissance et l’année n’étaient pas ceux indiqués par ce jeune... lors du premier entretien une semaine à peine après son arrivée à Paris ! Ceci a suffi pour qu’il soit considéré comme un menteur. L’ASE ne se rend-t- elle pas compte que ces jeunes, après un parcours tumultueux, rempli de relations difficiles avec les autorités des pays traversés, sont méfiants à leur arrivée et hésitent à raconter leur histoire véritable. Du temps est nécessaire pour qu’ils puissent avoir confiance en les associations qui les reçoivent.

H de retour de Calais me disait qu’il en avait marre d’être considéré comme un menteur, de devoir tout le temps se justifier, de ne pas être considéré comme étant H, le H qui venait de faire un voyage pénible et dangereux et qui voulait rester en France.

De temps en temps certains arrivent à trouver grâce aux yeux du dispositif d’accueil des mineurs étrangers comme A qui après de nombreuses péripéties et de nombreuses interventions de notre part a réussi, ayant obtenu une attestation du consulat d’Afghanistan, à trouver une place au CAOMIDA.... Pour quelque temps seulement car cette structure ne peut accueillir sur le long terme des jeunes non demandeurs d’asile.

Nous avons continué à essayer de persuader les jeunes qui arrivent de se rendre à l’association « Aux Captifs la Libération » ou à FTDA mineur. Il nous faut déjà obtenir leur confiance puis les convaincre que ces associations sont là pour les aider. Leur déception après leur passage dans ces associations est toujours grande lorsqu’ils apprennent qu’ils devront rester dans la rue.

Quel suivi médical pour les exilés ?

La fermeture annoncée de l’antenne MSF du passage Dubail sera effective en juillet. Heureusement ils acceptent encore de recevoir les exilés qui ont déjà un dossier. Cela a permis entre autres d’obtenir des médicaments pour H qui souffrait d’allergie. Mais ensuite que va-t-il se passer ? Une discussion avec un médecin, assez en colère contre cette fermeture, laisse perplexe. Sauf en cas d’urgence il sera difficile de faire soigner les exilés dans les hôpitaux. Celui qui depuis plus d’un mois et demi présente une fracture du doigt non réduite en sait quelque chose. De Lariboisière, à St Antoine en passant par l’Hôtel Dieu sa situation ne s’est guère améliorée. Les jeunes présents lors d’une discussion avec lui nous ont proposé d’importer du plâtre d’Afghanistan vu que cette denrée semblait si difficile à trouver et si chère en France

Pour les mineurs sans tutelle leur prise en charge dépendrait du bon vouloir du médecin.
La seule possibilité actuelle est Médecins du Monde où ils doivent faire la queue dès 9 heures ce qui n’est pas facile pour eux (et dès 14 heures trois jours par semaine sauf en été). Mais pour cela ils doivent se rendre avenue Parmentier car il semble que le bus présent quelques jours par semaine ne fasse pas de consultation et surtout ne distribue pas de médicaments. Quel suivi médical sera-t-il possible dans ces conditions ?

Vous avez dit : « la Grèce est un pays européen ? »

De nombreux exilés en doutent fort. Comme ce Kurde qui a été en Grèce, puis en France et en Angleterre (trois ans) où il a demandé l’asile. Il a été renvoyé en Grèce (réadmission Dublin), puis renvoyé par la Grèce qui n’a pas voulu examiner sa demande d’asile. Il se demande que faire si la Grèce n’applique pas les règles. Il nous a montré un papier des autorités grecques... malheureusement en grec. Il cherche maintenant à retourner dans son pays, mais les conditions financières de l’ANAEM, et surtout l’échelonnement du paiement des 2000 euros (auxquels d’ailleurs tous les afghans ont droit même sans invitation à quitter le territoire depuis fin mai) ne lui semblent pas attractives.

Une rumeur circule : il paraîtrait que « pour 400 à 2000 euros tu peux avoir un permis de résidence en Grèce de la part des autorités »...

Et la France ?

La dernière réunion de la commission précarité qui s’est tenue à la mairie du 10ème montre la volonté de se débarrasser de cette population « désocialisée » et « agressive ». Le premier moyen proposé est de déplacer le lieu de départ des bus atlas du dispositif d’urgence hivernale vers la Bourse ou la Gare de Lyon. Que va-t-il se passer l’hiver prochain si l’on se retrouve, comme il y a quelques mois, dans la situation où les mineurs, largement majoritaires parmi les exilés, remplissaient à eux seuls plus d’un bus ? On aimerait que les gens qui participent à ce genre de réunions soient un peu plus présents le soir pour voir ce qui se passe.

Maraudes juin 2006

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