| publié le 23 novembre 2006 |
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En 1992, le jeune État slovène a effacé des registres de « résidence permanente » 18 305 habitants (migrants internes, citoyens de l’ex-Yougoslavie) qui jusqu’alors jouissaient de tous les droits liés à la citoyenneté : 1% de la population slovène a ainsi été rendue illégale et dépouillée de ses droits, perdant logement, travail, retraite, sécurité sociale, vivant dans la précarité et sous la menace constante de l’expulsion. Certains furent expulsés, d’autres quittèrent le pays, la plupart restèrent en Slovénie, soumis à l’arbitraire de la police et des pouvoirs publics.
En s’organisant, les Effacés se sont rendus visibles, et par leurs luttes ont remporté des victoires : la Cour constitutionnelle slovène a par deux fois jugé acte d’effacement inconstitutionnel et illégal, et statué que leurs droits devaient leur être restitués rétroactivement. La classe politique slovène n’en a tenu aucun compte, a mobilisé contre les Effacés avec des discours racistes et xénophobes et a organisé en 2004 un référendum contre leur reconnaissance. Depuis les élections législatives de 2004, remportée par les partis de droite hostiles aux Effacés, la situation des Effacés reste bloquée.
Le sort des Effacés est - malgré sa spécificité - une question européenne. Il existe de nombreuses similitudes entre leur lutte et les combats européens autour de la citoyenneté et de la précarisation du travail. Le 30 avril 2004, à la veille de l’élargissement de l’UE à dix nouveaux États, dont la Slovénie, les Effacés ont manifesté dans la ville frontalière de Nova Gorica, aux côtés des travailleurs précaires et des migrants d’Italie et de Slovénie, déclarant qu’à partir de ce jour ils étaient des Effacés européens, partisans d’une nouvelle citoyenneté européenne plus étendue et porteuse de droits. Ils s’ajoutent au nombre des exclus de la citoyenneté européenne, et rejoignent de nombreux groupes en lutte pour un nouvel espace européen de liberté et d’égalité, tels les migrants, activistes antiracistes et travailleurs précaires contre les centres de détention en Slovénie (à Postojna) et en Italie (à Gradisca).
En 2006, les Effacés ont déposé un recours devant la Cour européenne des Droits de l’Homme, présentant onze cas urgents et emblématiques, des personnes qui du fait de l’effacement vivent dans des conditions d’extrême précarité. Pour donner un soutien politique et public à ce recours, une Caravane des Effacés est organisée fin novembre de Ljubljana à Bruxelles, via Monfalcone (Italie) et Paris (France). Les Effacés rencontreront des mouvements qui, comme eux, se battent pour la liberté de circulation et le droit de résidence, contre les centres de détention, pour la régularisation immédiate et inconditionnelle des migrants, et pour une nouvelle citoyenneté européenne garantissant des droits à tous ceux qui vivent en Europe. Ils présenteront leur situation aux institutions nationales et européennes, ainsi qu’au public, pour donner de la visibilité et un soutien à leur combat.
Nous, groupes, mouvements et organisations de la société civile, considérons la lutte des Effacés comme un combat commun ; nous participerons à la Caravane des Effacés et serons partie prenante de cette lutte, de Ljubljana à Bruxelles.
infos, textes, analyses http://pajol.eu.org/rubrique186.html