par cae | publié le 30 septembre 2003 |
Dans la nuit du 12 au 13 octobre 2000, Ferri Xhedvet, sans-papiers détenu au centre fermé 127bis dans la banlieue de Bruxelles, meurt en cellule d’isolement quelques heures après une tentative d’évasion : on peut ajouter là un nom à la longue et sinistre liste des morts aux frontières extérieures ou intérieures de l’Europe de Schengen. On peut aussi constater là une victime de plus de cette peine de mort qui ne dit pas son nom, châtiment exemplaire du défaut de papiers ou de tous les autres "crimes et délits" punis par l’incarcération dans l’Europe sociale-démocrate : l’enfermement des étrangers n’est rien d’autre qu’un emprisonnement.. Si la rétention administrative est encore officiellement de 12 jours en France, l’arsenal juridique est prêt pour l’harmonisation sur des peines semblables à la Belgique (5 mois théoriques, souvent plus pour des raisons de discipline), seuls les bâtiments manquent encore. En attendant l’application de cette rétention judiciaire, le système fonctionne déjà assez bien pour aligner les sans-papiers sur les autres détenus : allers et retours entre la prison pour défaut de papiers (3 mois, 6 mois en cas de récidive), le centre de rétention, la prison pour refus d’embarquement (même peines en général, un an pour Diawara Sirine, militant actif de la lutte des sans-papiers), retour en centre de rétention, etc… L’expulsion n’est que l’aboutissement de ce parcours qui fait de la prison le quotidien des sans-papiers arrêtés. Si nous intervenons directement contre les expulsions, c’est parce que l’expulsion est le moment le plus visible et aussi le plus fragile de ce parcours, parce que, quand les passagers refusent la présence d’un expulsé, les sans-papiers sont sans doute les derniers détenus à pouvoir être libérés sans risquer la mort dans une évasion.
Les lieux d’enfermement pour sans-papiers, centres high-techs comme à Vottem en Belgique ou hôtel crasseux comme Ibis à Roissy ne sont qu’un des modes de généralisation de l’univers carcéral qui nous menace tous, précaires avec ou sans-papiers, pauvres d’ici ou d’ailleurs, indésirables de partout : la gestion de la misère passe par la prison.
De l’occupation de la zone d’attente de la DICCILEC (PAF) à gare du Nord aux rassemblements devant le commissariat et centre de rétention de Choisy le Roi, en passant par l’occupation de la terrasse de l’hôtel Ibis sous les fenêtre de la zone d’attente qu’il héberge, nous luttons contre toutes les formes d’enfermement, à commencer par celles qui concernent spécialement les sans-papiers. C’est aussi dans ce cadre que nous organisons des campagnes contre ceux qui participent activement à ce système pénitentiaire. Les entreprises privées sont désormais partenaires de cette gestion, comme le groupe ACCOR qui enferme les sans-papiers (zone d’attente dans l’hôtel Ibis de Roissy), participe à leur déportation (réservation des places des expulsés par Wagonlits Travel) et s’est même proposé de construire une nouvelle zone d’attente, première prison entièrement privée.
Parce que ce que chaque incarcération restreint, c’est aussi notre liberté à tous, parce que ce que nous avons à opposer à cette logique mortifère, c’est la liberté totale de circulation et d’installation, parce que chacun peut trouver les moyens de lutter contre un système qui ne fonctionne que grâce à la participation active ou passive de tous, il est temps de prendre l’initiative.