Maraudes près de la gare de l’Est (Paris X)

fin décembre 2005 - janvier 2006

par Jean-Michel Centres | publié le 14 février 2006 |

« Si on ouvrait 1000 places demain, il y aurait un terrible appel d’air »

Une grande réunion sur la précarité dans le 10ème arrondissement de Paris en septembre dernier avait souligné une fois encore les problèmes d’hébergement. On aurait pu penser que tous ces responsables de l’action sociale dans le quartier - administrations et associations -, hautement conscients des problèmes, auraient pris des mesures concrètes pour améliorer l’accueil des sans-abris, des exilés et des mineurs. Mais en janvier 2006 rien n’a changé. Tous les jours plus d’une vingtaine de personnes doivent dormir dehors parce que le plan d’urgence hivernale mis en place par la préfecture ne prévoit pas de bus supplémentaire si la température ne descend pas en dessous de 0° le jour et de -5° la nuit. Ce qui n’a été le cas que pendant 4 jours depuis cet hiver. Pour les responsables de ce plan, dormir dehors la nuit sous la pluie quand il fait 2° ne pose pas de problème... Les exilés sont résistants.

Pour avoir une place dans le troisième bus « atlas » (1) les exilés afghans doivent venir dès 17 ou 18 heures et attendre, parfois sous la pluie, pendant 4 heures. Ils n’ont aucun espoir de monter dans le premier bus, réservé aux personnes âgées ou malades, peu de monter dans le deuxième déjà partiellement rempli par les associations sociales diverses.

Certains préfèrent ne pas aller chercher à manger en face, à la camionnette de l’Armée du Salut, pour passer la nuit au chaud. Malgré leurs efforts pour s’organiser, notamment en mettant en place une file d’attente tranquille, ils savent que plusieurs d’entre eux, parfois de très jeunes mineurs, devront coucher au mieux dans les trois tentes des allées de Verdun qui ont échappé au grand nettoyage de décembre ou, le plus souvent, dans les cabines téléphoniques, sous les arches de la place Raoul Follereau, et même sous les ponts du canal. Pour ceux qui restent, aucun espoir d’une aide du 115... Avec un peu de chance, certains ontiendront peut-être un duvet après une longue attente dans le froid. Et pourtant des places restent inoccupées chaque soir dans le centres d’hébergement. Mais la mise en place d’un bus supplémentaire paraît trop couteuse à la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS)... 600 euros..., trop chère pour des Afghans sans doute qu’il faut - priorité nationale - dissuader de venir en France ? Pénurie sciemment organisée contre l’« appel d’air » ?

Alors, quand on leur parle d’asile en France, ils nous disent en souriant : « Vous voyez comment nous sommes reçus ici ? ». Et on les comprend quand on les voit comme le 11 janvier, trempés et frigorifiés. Leur espoir, c’est de trouver un meilleur accueil en Angleterre, même s’ils doivent galérer pour y arriver. Cet espoir persiste même pour ceux qui - une dizaine ces derniers jours - doivent revenir de Calais après avoir été arrêtés à la frontière.

Et ce n’est pas l’exemple de ceux qui ont demandé l’asile et qu’ils voient dans la rue avec eux qui peut les faire changer d’avis... Un mois d’attente pour obtenir une chambre d’hôtel, c’est dur...

Les mineurs ne sont guère mieux traités. Ils peuvent quand même aller dans la journée, les jours d’ouverture, dans les locaux de l’association « Au Captifs la Libération » dans le 12ème. Ils y sont au chaud, prennent un repas et peuvent se distraire à diverses activités ou regarder la télé. Ils sont nombreux à y aller sur nos conseils, mais le soir.... ils sont dans la file d’attente en espérant que les responsables ne remarqueront pas leur âge et qu’ils pourront monter dans les bus. Ce sont chaque soir une petite dizaine de garçons de moins de 18 ans qui font la queue, tandis qu’il y en a autant à préférer coucher sous les tentes de l’allée de Verdun, à trois ou quatre par tente. S’ils voulaient rester en France et, pour cela demander l’asile, puisque c’est la seule solution qui leur est ouverte, la majorité d’entre eux (car les « procédures prioritaires » sont exclus) pourraient espérer - après un bon mois d’attente dans la rue - un hébergement hôtelier avant leur affectation dans un centre pour la durée de la procédure Mais ils ne le veulent pas pour la plupart, ne serait-ce que parce que, au lendemain de leurs dix-huit ans, ils ont peur de se retrouver à nouveau dans la rue. Certains jeunes rencontrés lors des maraudes de ces quinze premiers jours de janvier errent depuis des années. Ils voudraient bien se fixer définitivement quelque part. Mais, pour l’instant, ils sont loin de bénéficier de la protection que devrait procurer la France aux mineurs en danger.

Les maraudes du Collectif des exilés du 10ème ne peuvent résoudre ces problèmes. Mais elles sont loin d’être inutiles. Les exilés sont demandeurs d’informations diverses et, quand nous venons le soir, les discussions durent longtemps. Notre présence améliore peut-être aussi leur chance de monter dans les bus. Nous ne pouvons guère leur apporter davantage, quelques blousons et quelques couvertures parfois. La solution du problème est ailleurs et demanderait certainement une plus forte mobilisation des organisations pour faire pression sur les pouvoirs publics afin qu’ils se décident à accueillir correctement cette soixantaine d’exilés, dont une quinzaine de mineurs.

Mais « au moins vous, vous nous parlez », nous ont dit certains d’entre eux.

retrouvez l’intégralité des maraudes de fin décembre et de janvier, jour après jour, dans le document PDF ci joint

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Jean-Michel Centres

Membre du MRAP et du collectif de soutien des Exiles du 10è

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